Un univers vivant et conscient
Un univers vivant et conscient

Un univers vivant et conscient

« Notre biosphère est le produit de 4 milliards d’années de coévolution entre la vie et son environnement,

ce qui est aussi le cas de nos cerveaux. Ils sont complètement adaptés à l’environnement terrestre grâce à l’évolution. L’évolution a créé les outils pour nous permettre de percevoir et d’interagir avec le monde et l’univers qui nous entourent. La façon dont nous les exprimons dans notre langage découle de la façon dont nous les percevons et dont nous interagissons avec eux. Cette observation a des conséquences fondamentales pour la recherche d’une vie extraterrestre avancée et d’autres ont une signification encore plus profonde.

Le lien avec SETI est direct : n’importe quelle intelligence extraterrestre et ses messages seront le reflet de la coévolution de sa biologie et de son environnement et donc le reflet de sa propre perception de l’univers. Cette perception sera peut-être comparable à la nôtre, ou non, et nous serons donc en mesure, ou pas, de la reconnaître aisément. (…)

Les idées qui me frappèrent le plus furent celles qui décrivaient à quel point notre perception de la réalité est façonnée par notre cerveau et à quel point toute notion de réalité est en fait illusoire, ou tout au plus transitoire. Un certain nombre d’études récentes en neurosciences suggèrent que nos cerveaux fonctionnent comme des ordinateurs quantiques capables de créer des structures géométriques multidimensionnelles qui peuvent atteindre 11 dimensions, alors que nous vivons et fonctionnons dans une structure à 4 dimensions (x, y, z définissant l’espace et la quatrième dimension étant le temps). D’autres vont plus loin et proposent que l’univers soit une construction holographique de notre cerveau, dans laquelle nous sommes tous reliés les uns aux autres et où la conscience crée la vie. Pour d’autres encore, la vie crée la conscience, et le temps et l’espace n’existent pas vraiment mais sont des constructions de notre esprit pour nous permettre de donner un sens à ce que nous appelons la réalité. (…)

Ces lectures me firent une forte impression. Il y avait beaucoup de choses qui me dépassaient complètement mais le point principal que je pouvais en extraire était qu’il semblait y avoir un lien entre la nature de la vie et la conscience. En fait, si l’on souscrit à ces théories, il est probable qu’elles coévoluent et s’alimentent l’une l’autre vers une complexité toujours plus grande. Les implications possibles sont remarquables. En supposant que ces nouvelles théories soient correctes, certaines proviennent d’une approche par la physique quantique et suggèrent que nous pourrions faire partie d’un univers vivant et conscient, faisant de la recherche de la vie telle que nous la menons aujourd’hui une étude de la «plomberie» de la vie mais pas une exploration de sa nature ou de ce qu’est la vie. (…)

Si l’ensemble de la vie dans l’univers est connecté par nature et communique à travers l’univers alors le signal de son existence est déjà tout autour de nous. Nous n’avons simplement pas encore la capacité de le décoder, et la radioastronomie n’est probablement pas le seul moyen pour capter ces signaux.

Si l’univers est vivant et conscient, alors la vie est comme un paysage qui peut être défini à tout moment par ses éléments individuels, une sélection de ces éléments, ou bien encore dans son ensemble. En fonction de ce que nous cherchons, chacune de ces définitions est vraie dans son propre contexte. Ce qui est frappant, c’est que, ramenés à leurs éléments les plus fondamentaux, l’univers et la vie sont énergie et information, l’information étant l’énergie décodée par un observateur. Mais l’observateur est aussi énergie et information ; aussi, lorsque nous observons un univers vivant, nous interagissons avec lui au niveau quantique et donc nous le modifions. Là se trouve l’impossibilité fondamentale d’avoir une définition rigide de la vie, ou même de la réalité. Une définition possible de la vie n’est possible et utile que comme un outil de travail à un moment donné et dans un but précis. Mais il y a d’autres conséquences possibles. (…)

Ce que nous définissons comme connaissance ne peut capturer qu’une réalité transitoire à un moment donné et une réalité qui reste relative à l’observateur. Le fait que cette réalité paraisse relativement similaire à chacun d’entre nous est probablement une clef fondamentale sur la nature de la vie et celle de l’univers, et peut-être aussi une réponse au pourquoi de l’existence. Dans ce domaine de référence, nous sommes à la fois les créateurs et les acteurs d’un univers qui nous façonne et que nous façonnons avec chacune de nos pensées et chacune de nos actions. »


Extraits de Voyage aux frontières de la vie, Nathalie Cabrol, Seuil